« Au secours ils sont jaloux » – Une conférence de Nicole Prieur

Published by Camille et Olivier on

Nous le pensions clos, mais voici finalement la suite de notre dossier sur les jalousies et rivalités entre frères et sœurs.
Vous découvrirez dans cet article les précieux enseignements de la philosophe et thérapeute Nicole Prieur, spécialiste des relations fraternelles.

Un Week-end très enrichissant !

En tant que membre de l’association du « Grand Atelier des Parents », j’ai eu la chance de participer aux premières « journées annuelles du GAP », qui se sont déroulées le week-end du 10-11 novembre dernier à Paris.

Au programme du week-end, en plus de l’assemblée générale de l’association, il y avait une conférence de Nicole Prieur sur les relations entre frères et sœurs intitulée « Au secours, ils sont jaloux ! », ainsi que 4 ateliers, animés par certains membres de l’association (je n’ai pu assister qu’à un seul, n’étant sur Paris que le samedi)

La conférence de Nicole Prieur, comme l’atelier auquel j’ai participé, ont été plein de nouveaux enseignements ! Vous trouverez dans cet article mes notes sur la conférence et dans un prochain article mes notes sur l’atelier « Avantages et limites des outils F&M (Faber et Mazlish) avec les 0-3 ans ».

 

Nicole Prieur, spécialiste des relations fraternelles

Nicole Prieur est « philosophe et psychothérapeute », spécialiste des relations au sein de la famille et notamment des relations fraternelles. Nicole pratique aussi « l’hypno thérapie » dans la lignée de François Roustang. Vous trouverez une présentation bien plus détaillée sur son site « paroles de psy ».

Nicole Prieur enfants jaloux

Moi qui pensais tout savoir sur les jalousies et rivalités entre frères et sœurs depuis la lecture de l’ouvrage de Faber et Mazlish, je me suis rendu compte que ce n’était pas le cas. Vous trouverez plus bas tout ce que j’ai appris de nouveau pendant la conférence de Nicole Prieur, et que je vous livre « brut de décoffrage ». Suite à la conférence d’ailleurs, conquis par ses enseignements, je me suis empressé d’acheter deux des ouvrages de Nicole : « Grandir avec ses enfants » et « Arrêtez de vous disputer ».

Nicole Prieur - grandir avec ses enfants Nicole Prieru - arretez de vous disputer

La bonne nouvelle, c’est que Nicole Prieur, que j’ai rencontrée à la fin de la conférence, m’a donné son accord pour une future interview sur Les-Supers-Parents.com. Je vous propose donc, après la lecture de mes notes, de lui poser vos questions (concernant les jalousies entre frères et sœurs bien entendu), en laissant un commentaire sous l’article. J’enverrai les questions à Nicole et publierai ses réponses sur le blog dès que possible !

 

Mes notes « brutes » de sa conférence « au secours ils sont jaloux »

Introduction :

  • Nicole reçoit à son cabinet pour des problèmes d’ordres divers (échec scolaire, etc…) et il arrive fréquemment qu’au fil des séances, les rivalités dans la fratrie ressortent comme les origines du problème de l’enfant.
  • Généralement, l’enfant retourne contre lui-même (de manière inconsciente) l’agressivité qu’il ne peut pas extérioriser (parce qu’il DOIT aimer son frère ou sa sœur).
  • Pour Nicole, la fratrie c’est la « préparation à la vie avec l’autre ». Elle nous rappelle aussi que c’est généralement la relation qui dure le plus longtemps dans la vie d’un homme ou d’une femme… et qui peut y amener beaucoup de changements.

La notion de fratrie :

  • Pour Nicole, la notion de fratrie est basée sous le signe des « comptes ». Les comptes mal réglés dans la fratrie pendant l’enfance restent ! Pour vivre sereinement, l’adulte doit alors avoir la capacité de « solder les comptes » et avoir la volonté de s’entendre avec son frère/sa sœur.
  • D’ailleurs, aider ses enfants dans leur fratrie, c’est régler nos propres problèmes de fratrie quand on était enfant.
  • L’arrivée du second enfant est vécue par le premier comme une perte. Mais pas forcément une perte au niveau affectif (les parents savent généralement lui montrer que leur amour pour lui n’a pas changé). C’est une perte « existentielle » car l’ainée (qui a généralement entre 2 et 4 ans) n’a pas encore la « permanence de l’existence » : son sentiment d’exister est encore lié/centré sur le regard de ses parents. En perdant l’exclusivité du regard de ses parents, il se pose la question : « est-ce que je continue d’exister pour mes parents ? ».
  • C’est aussi, pour l’ainé, une perte « narcissique » : il se découvre avoir des pulsions négatives (envers son cadet) alors qu’il n’en avait, jusque-là, jamais eu.
  • C’est donc une expérience de « perte » pour l’ainé, et une expérience de « manque » pour le second : qui n’aura jamais eu ses parents « pour lui tout seul », qui aura pendant longtemps « moins de privilèges que l’ainé », un ainé qui restera d’ailleurs très longtemps un « modèle » quasi inattaquable/inatteignable !
  • Le lien fraternel se construit ensuite dans le « partage » : chacun finit par accepter d’avoir perdu (pour l’ainé) et manqué (pour le second) et arrive à transformer cette perte ou ce manque en un lien fraternel positif.
  • Nicole nous explique la différence entre le lien « paternel » (vertical) qui se construit sur le don (qui crée des dettes et donc de la loyauté envers les parents) et le lien « fraternel » (horizontal) qui est lui un lien d’appartenance, beaucoup plus fragile.

Le rôle des parents :

  • Le rôle des parents (Nicole rappelle « qu’il ne suffit pas de s’aimer, que même avec les meilleures intentions du monde on peut détruire un enfant ») est de donner envie aux enfants de « partager », de créer un lien fraternel positif, éthique, sachant que les enjeux sont différents pour :
    • L’ainé : qui doit accepter le « droit à l’existence de son cadet » et lui faire une place.
    • Le cadet : qui doit s’affirmer, dépasser sa « culpabilité à exister », son sentiment de gêner.
  • Nicole fait un parallèle avec l’histoire biblique de Caïn et Abel pour nous expliquer le « rôle d’arbitrage des parents » :
    • L’origine du crime de Caïn est un problème de communication : il appelle son frère, qui ne l’entend pas, alors le tue.
    • Ce n’est que quand Dieu lui fait prendre conscience de son crime que Caïn se met à avoir des remords (parallèle avec les enfants : « c’est quand je me sens dangereux pour l’autre que je peux le respecter »).
    • Le partage, le lien fraternel, ne peut se construire correctement qu’à partir d’une « loi » énoncée par les parents (un « tu ne tueras pas » symbolique : « vous avez le droit de ne pas vous aimer, mais vous devez vous respecter »). Une loi qui doit être réintroduite (répétée) en permanence !
  • L’objectif des parents est de faire en sorte que leurs enfants se reconnaissent et s’acceptent dans leurs différences, qu’ils acceptent l’autre « pour ce qu’il est ». Pour aider leurs enfants, il est primordial que ce travail soit fait en premier lieu par les parents, qui doivent accepter que « non, on ne les aime pas tous pareil » : nos enfants sont différents (et uniques) et nous devons les accepter dans ces différences.
  • Les parents doivent permettre aux enfants de « se regarder » (d’accepter leurs différences) et idéalement d’arriver à « se voir à travers la vision de l’autre » (se mettre à la place de l’autre), ce qui entraine moins d’égocentrisme et améliore la relation fraternelle.
  • Les parents doivent aussi montrer à leurs enfants en quoi leurs différences peuvent être complémentaires (« oui ta sœur est très active, mais grâce à elle on ne s’ennuie jamais », « oui ton frère est très organisé, presque maniaque, mais nous sommes tous bien contents lorsqu’il nous retrouve en 2 secondes ce que nous cherchions depuis une heure»)

À propos du mythe de l’égalité :

Les parents cherchent toujours à être le plus « juste », le plus équitable possible envers leurs enfants, pourtant :

    • « Donner plus à celui qui en a plus besoin », n’est pas équitable aux yeux des enfants
    • « Donner pareil », n’est pas équitable aux yeux des enfants (ils trouveront toujours une inégalité !)
    • « Donner selon les mérites de chacun » (bonnes notes, etc…), pas équitable non plus !

Pour Nicole Prieur, il faut que les parents fassent admettre à leurs enfants que chacun a des besoins différents. Ils peuvent aussi leur apprendre à créer de la « réciprocité » en leur montrant le plaisir que l’on obtient en donnant, en partageant selon les besoins respectifs des uns et des autres.

En ce qui concerne les disputes :

  • Selon Nicole, tant qu’il y a une « alternance » des moments de complicité et des moments de conflit… c’est que tout va bien !
  • Les disputes entre frères et sœurs sont NORMALES ! Elles leur permettent d’ailleurs de se différencier. Le rôle des parents, encore une fois, est de les aider à se rendre compte qu’ils sont différents, mais complémentaires !
  • Il est important de faire comprendre à ses enfants qu’ils ont le droit d’avoir de mauvais sentiments (qu’ils ne sont pas coupables pour ça)… mais qu’ils n’ont pas le droit de « mal agir » (être violent, méchant, etc.). Les parents doivent donc rappeler sans cesse à leurs enfants qu’ils ont le droit de ne pas s’aimer, mais qu’ils doivent se respecter !
  • Pour les aider, on peut leur permettre de défouler symboliquement leurs sentiments (sur une peluche, en dessinant, etc…)
  • Néanmoins, lorsqu’il y a plus d’agressivité que de moments complices, dans une fratrie, c’est souvent parce que les enfants prennent à leur compte:
    • Le conflit du couple parental (ils s’identifient au père/à la mère)
    • Un conflit fraternel appartenant à un de leurs parents (ce genre de conflit se transmettant de génération en génération)

Les différentes places dans la fratrie :

    • L’ainé porte le poids de l’enfant idéal, de l’enfant parfait dont rêvaient ses parents
    • Le second est souvent plus libre, les parents ayant accepté que leurs enfants ne soient pas parfaits (et qu’eux-mêmes ne sont pas des parents parfaits)
    • Le 3ème (et les suivants) sont encore plus libres et donc encore plus rapidement autonome.
  • Pour Nicole, être « celui du milieu » n’est pas forcément la plus mauvaise place. Celui du milieu peut certes avoir des difficultés d’identification (il est un coup du coté des grands, un coup du coté des petits), mais ce sont souvent les enfants qui savent le mieux jouer les jeux relationnels !!
  • Pour le 3ème (ou plutôt pour le dernier), il peut y avoir un risque de « loyauté » envers les parents : la peur que quitter le foyer familial fasse s’effondrer le couple parental ou fasse s’effondrer le parent qui reste lorsque le couple n’est déjà plus.

 

N’hésitez pas à poser vos questions à Nicole Prieur en laissant un commentaire ci-dessous !
Ses réponses à vos questions (et aux nôtres) seront publiées prochainement !

 


8 Comments

Didouille · 4 décembre 2012 at 2 h 16 min

Bonjour

Je suis très intéressée par votre article et l’expérience de Nicole Prieur, en effet, je suis maman de jumeaux qui ont presque 2ans. On dit souvent à propos de cette relation spéciale qu’il y a un « dominé » et un « dominant » même si en fait j’ai compris que c’est bien plus compliqué que ça, que l’un s’exprime mieux dans un certain domaine, et pareil pour l’autre.
L’un est plus grand, plus expressif envers le monde qui l’entoure, et celui-ci « écrase » l’autre, plus petit, plus introverti, par des comportements agressifs: il pousse son frère, le tape parfois, lui pique ses jouets…Il semble plus dépendant. Mon plus petit se laisse faire, pleure un peu lorsque ça arrive, et je ne sais comment réagir: les laisser faire? Intervenir? Souvent j’interviens, j’essaye de n’accorder toute mon attention qu’à celui qui a été victime et de ne pas faire la leçon à l’autre, mais je ne peux pas m’empêcher de lui expliquer la situation et pourquoi il ne devrait pas le faire.

Comment faire pour rétablir un certain équilibre? J’ai lu sur internet qu’il fallait essayer de faire en sorte que leur relation ne s’envenime pas, et j’ai bien l’impression que c’est ce qu’il faut faire d’après vous, comment l’appliquer au quotidien?

Merci pour tout, votre blog est une mine d’information et de rappel à ce qui est juste et bon pour l’enfant, ce que nous parent, avons tendance à oublier avec le quotidien 🙂

    Camille et Olivier · 4 décembre 2012 at 18 h 40 min

    Hello Didouille,
    Nicole a répondu à plusieurs questions concernant les jumeaux (vrais et faux jumeaux) lors de la conférence…. que malheureusement je n’ai pas pris en note. N’hésitez pas à nous envoyer 2 ou 3 questions bien spécifiques que nous pourrons lui poser lors de l’interview à venir (certainement pour janvier prochain).

Jouls · 12 décembre 2012 at 15 h 23 min

Merci beaucoup, c’est passionnant ! Ce sont des choses que j’avais déjà eu l’occasion de lire en partie, mais c’est bon de les relire.
Du coup j’avais une question pour Nicole Prieur :
« Je suis consciente des « principes » qui sont énoncés ici, et j’essaie de toujours ajuster mon comportement par rapport à eux dans les relations avec mes enfants. Ma question est la suivante : Comment avoir une attitude juste dans 2 cas précis de conflit entre mes enfants, qui ont respectivement 3 ans et 14 mois, donc avec un rapport de force encore assez inégal :
1) Quand mon second ne peut pas se défendre quand sa soeur lui arrache un jeu. Faut-il intervenir ? Est-il possible de le faire sans pour autant nuire à leur apprentissage de l’autonomie ?
2) A l’inverse, quand c’est le plus petit qui « marche sur les plates-bandes » de sa grande soeur, comment apprendre à celle-ci à se défendre et à faire respecter son territoire, sans trop intervenir et en même temps sans la laisser être brutale ou se débrouiller toute seule sans savoir comment s’y prendre ? »
J’espère que je suis claire, merci beaucoup par avance ! Et continuez comme ça 🙂

    Camille et Olivier · 13 décembre 2012 at 13 h 55 min

    Vous êtes plus que claire Jouls, nous avons exactement les même à la maison (Lou 3 ans et Lili 14 mois)… et du coup les mêmes interrogations que vous…
    Vivement janvier pour avoir les réponses de Nicole 🙂

coralie · 8 mars 2013 at 22 h 20 min

bonjour, je ne sais pas si les questions sont encore ouvertes… mais je suis dans la même situation : comment se positionner lors de conflits entre mes deux filles (4 ans et 19 mois)?
Comment protéger la deuxième (le rapport de force est bien trop inégal) sans blesser l’aînée…? comment réagir quand c’est la deuxième qui frappe sa soeur?
dans le cas où l’aînée frappe sa petite soeur, le fait de m’occuper de suite de la « victime » et de décrire ce qu’elle peut ressentir fait sentir à l’aînée que c’est pas ok. après je prends du temps avec elle pour « remplir son réservoir »…
cette « méthode » ne marche pas à tous les coups…
à l’inverse, quand c’est la seconde qui tire les cheveux de sa soeur ou la frappe il m’est difficile aujourd’hui de penser ma réaction : elle est trop jeune pour avoir envie de faire mal et l’ainée a tendance à surjouer la douleur… et poser un « interdit » ne semble absolument pas efficace… (elle semble être en pleine expérience : comment je peut déclencher des hurlements très simplement) je me sens très démunie….
si jamais vous avez des pistes, je suis preneuse 😉

coralie · 8 mars 2013 at 22 h 21 min

j’ai oublié le « contexte » : la grande est en pleine période de jalousie intense et répète à longueur de journée qu’elle aurait mieux aimé ne pas avoir de soeur… etc… (elle a dailleurs une imagination d »bordante sur ce sujet. !)

Disputes entre frères et soeurs : comment gérer leurs conflits ? · 29 octobre 2013 at 10 h 00 min

[…] Nicole Prieur, tant qu’il y a dans la fratrie une « alternance » des moments de complicité et des moments de […]

How to stop offend you by your parents and find a mutual understanding with them - Coolest Hacks · 27 juin 2018 at 4 h 15 min

[…] was denied or not given him, and not on what he earned. Then, no matter how to act our fathers, will never be able to exceed expectations, nor meet all of our needs. This gives rise to resentment child unconscious […]

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